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Publications
Civilisations en transition 3
Jean-Luc Fournet, Jean-Michel Mouton, Jacques Paviot et Gerhard Weinberger
21.02.2017

Introduction

Nous avons été heureux de nous retrouver à Jbeil pour la troisième année consécutive pour continuer notre exploration des sociétés du Proche-Orient en vue d’en comprendre la profondeur et la complexité. En 2014, nous avions étudié les sociétés conquérantes et les sociétés composites ; en 2015, les sociétés multilingues ; il était logique d’étudier cette année 2016 les sociétés multiconfessionnelles, de plus sujet brûlant d’actualité.

Comme les années précédentes, nous avons privilégié une approche diachronique et pluridisciplinaire, qui est celle du Centre International des Sciences de l’Homme. Son directeur et son conseil d’administration ont accepté à nouveau d’accueillir une telle manifestation et nous leur exprimons toute notre gratitude.

Depuis la plus haute antiquité, le Proche-Orient a été un carrefour de religions. Les Cananéens, — pour prendre l’exemple du peuple de la proche région, polythéistes mais vénérant un dieu primordial, El —, reçurent les influences des Mésopotamiens et des Égyptiens et influencèrent les Grecs. Le pays de Canaan fut aussi un pays de convoitises, avec l’installation des Hébreux, la conquête des Hittites, des Assyriens, des Égyptiens, suivis des Grecs et des Romains, des Arabes, des Francs croisés, des Turcs, des Occidentaux au xxe siècle. Toujours ces conquérants avaient aussi des motifs religieux.

Mais comment faire pour maintenir une société multiconfessionnelle en paix ? D’abord quelle forme politique serait-elle la meilleure pour le faire ? À travers l’Histoire, ce sont surtout des empires, tant qu’ils avaient le monopole de la force, qui maintenait un ordre religieux, avec une religion dominante et des accords ou un statut inférieur concédés aux confessions considérées comme minoritaires : ainsi l’islam a créé le statut de dhimmipour les « peuples du Livre », l’Empire ottoman les « millets » ; les Francs ont accordé un statut différent aux chrétiens orientaux, aux musulmans, aux juifs.

Au cours du xxe siècle, la démocratie s’est imposée comme le moins pire des régimes, pour reprendre l’expression de Winston Churchill. Mais les solutions qu’elle a proposées sont aussi diverses. Pour prendre quelques exemples, on a officiellement une religion d’État ou une Église d’État dans des pays aussi divers que le Royaume-Uni, les pays scandinaves, le Maroc, l’Égypte, l’Iran. En Allemagne, l’État subventionne les religions que les citoyens déclarent officiellement ; en Indonésie, le gouvernement reconnaît six confessions, l’islam, l’hindouisme, le bouddhisme, le confucianisme, le protestantisme et le catholicisme romain, tandis que la Turquie est un État séculier, mais avec un contrôle des musulmans hanafites, la majorité de la population. L’Irak a comme devise Allāhu Akbar, mais est divisé entre sunnites, chiites et une minorité chrétienne ; la Jordanie, l’Algérie et la Tunisie sont majoritairement musulmanes, sunnites. D’autres pays vivent selon un régime de concordat, tels l’Italie, l’Espagne ou le Portugal en Europe. La France a son principe de laïcité, tandis que le Liban a opéré un partage politique des confessions religieuses.

Nous avons abordé le thème à travers différentes sessions où sont intervenus des spécialistes des sujets abordés : les connotations historiques de l’antiquité au Moyen Âge, les contrastes et les controverses du xe au xxe siècle, les conséquences actuelles du multiconfessionnalisme dans la philosophie, les débats politiques et identitaires, le problème de la minorité par le nombre et l’égalité citoyenne au Proche-Orient, des études de cas dans le Maghreb et le Machrek.

Cependant nous voyons par l’Histoire, par l’actualité aujourd’hui, qu’il est difficile de trouver une solution pour une vie harmonieuse entre confessions religieuses : la démocratie sans doute, mais aussi, et c’est un des buts du Centre International des Sciences de l’Homme, de l’UNESCO dont il dépend, l’éducation, apprendre à connaître non pas l’autre, mais son voisin, son prochain, dans le respect mutuel. Puisse cette rencontre y avoir contribué!

Nous tenons à remercier Antonio Ricciardetto (ATER au Collège de France) pour son aide dans la mise en forme de ces actes.

 

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